Le 24 septembre 2025, Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a présenté le rapport du Secrétaire général sur la coopération avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme au Conseil des droits de l’homme lors de sa 60e session. Le rapport a confirmé les conclusions précédentes, soulignant le nombre élevé d’actes d’intimidation et de représailles signalés par des acteurs étatiques et non étatiques contre des individus ou des groupes cherchant à coopérer, ou ayant coopéré avec les Nations Unies. L’étude a également révélé que de nombreux acteurs de la société civile continuent de se heurter à d’importantes restrictions dans leurs activités.
Dans sa conclusion, le rapport souligne que les États continuent d’appliquer «lois et réglementations concernant la société civile, la lutte contre le terrorisme et la sécurité nationale qui ont eu pour effet de dissuader ou d’entraver la coopération avec les Nations UniesDe telles pratiques empêchent non seulement les individus et les groupes de s’engager avec les organisations internationales, mais répriment également la dissidence au niveau national, empêchant les individus de dénoncer des actions qui violent les normes internationales.
Aux Émirats arabes unis, les lois antiterroristes ont été utilisées pour poursuivre en justice des individus qui plaident pacifiquement en faveur de réformes politiques ou critiquent le gouvernement. Depuis les premiers procès de masse en 2012, connus sous le nom d’EAU94, ces lois ont restreint et réprimé le discours politique et les associations pacifiques, criminalisant l’exercice des droits fondamentaux à la liberté d’expression et d’association. Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes quant à l’utilisation abusive de ces lois, qui ont exprimé leur grave préoccupation lors du deuxième procès collectif, celui des Émirats arabes unis84, lorsque de nouvelles accusations ont été portées contre des membres de la société civile, notamment des défenseurs des droits humains, des militants et des dissidents politiques, en violation des interdictions internationales de la double incrimination et du droit pénal rétroactif.
En juillet 2024, à la suite des condamnations prononcées contre des défenseurs des droits humains, les rapporteurs spéciaux de l’ONU ont déclaré dans un communiqué de presse que le fait de condamner les défenseurs des droits humains à de longues peines de prison détruisait des vies, des familles et des communautés. Ahmed Al-Nuaimi a vécu lui-même ces dures conséquences. Vivant désormais en exil, Al-Nuaimi n’a pas pu retourner aux Émirats arabes unis depuis 2012. »Craignant d’être arrêté simplement pour avoir exercé mes droits à la liberté d’expression et d’association, j’ai pris la difficile décision de ne pas retourner dans mon pays d’origine, même si ma famille y était restée à l’époque.», a-t-il déclaré. Il a ensuite été condamné, par contumace, à 15 ans de prison, ajoutant : «Cette situation est particulièrement pénible, car elle se déroule dans un pays où j’ai grandi, un endroit où beaucoup d’entre nous envisageaient autrefois une voie vers la démocratie.».
Lors d’un événement organisé au Club de la presse de Genève le jeudi 2 octobre 2025 en collaboration avec l’Emirates Detainees Advocacy Centre (EDAC), CAP Freedom of Conscience, MENA Rights Group et le Forum égyptien des droits de l’homme (EHRF), Al-Nuaimi a expliqué que le régime ne visait pas seulement lui mais aussi sa famille, imposant des interdictions de voyager et compliquant leur vie quotidienne en gelant leurs comptes bancaires.
Le rapport du Secrétaire général de l’ONU, présenté en septembre 2025, concluait également à une augmentation des allégations de répression transnationale, avec des exemples documentés à travers le monde. Le rapport avertissait que «la répression ciblée au-delà des frontières semble gagner en ampleur et en sophistication, et son impact sur la protection des défenseurs des droits humains et des personnes affectées en exil, ainsi que son effet dissuasif sur ceux qui continuent de défendre les droits humains dans des contextes difficiles, sont de plus en plus préoccupants.».
Comme l’a souligné Moataz El-Fegiery, co-fondateur et président du Forum égyptien des droits de l’homme (EHRF), lors de la discussion au Club de la presse de Genève, le cas de M. Al-Qaradawi en fournit un exemple frappant. Il a été extradé du Liban vers les Émirats arabes unis à la demande des autorités émiraties, sur la base d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux dans laquelle il critiquait les gouvernements égyptien, saoudien et émirati. Pourtant, M. Al-Qaradawi n’est ni un citoyen émirati et il n’a commis aucune infraction sur le sol émirati.
Commentant la question plus large de la répression contre les défenseurs des droits humains et la montée de la répression transnationale, Falah Sayed, responsable des droits humains au MENA Rights Group, a souligné l’importance de documenter les cas individuels, d’identifier les modèles de violations et d’analyser leurs causes structurelles. Elle a également souligné la nécessité de contribuer au travail des Nations Unies à travers des soumissions et une coopération avec ses mécanismes, et a décrit la sensibilisation comme essentielle pour porter ces situations à l’attention du public à l’intérieur et à l’extérieur de la région MENA.
Publié à l’origine dans The European Times.