Un rôle crucial
La pandémie du COVID-19 a très clairement mis en lumière le rôle crucial des unités de soins intensifs dans nos hôpitaux. La crise sanitaire a bien montré combien il est important, pour garantir des soins optimaux et un fonctionnement efficient des hôpitaux, de pouvoir s’appuyer sur une capacité en soins intensifs bien coordonnée et adaptée aux besoins. Même en-dehors d’un tel contexte de crise, les soins intensifs sont toutefois d’une importance vitale pour prendre en charge les patients les plus gravement malades, par exemple après une transplantation, au cours d’une septicémie, à la suite d’un grave accident ou d’un problème cardiaque sévère.
Il est donc très important que notre système de soins puisse continuer à garantir une capacité suffisante en lits de soins intensifs aussi bien en temps « normal » qu’en période de crise.
Des soins morcelés et mal répartis sur le territoire
C’est toutefois loin d’être évident. Chaque lit de soins intensifs nécessite des moyens importants et, surtout, la mobilisation de personnel hautement qualifié qui ne court pas les rues. De par le vieillissement de la population et la pénurie de plus en plus marquée de ressources humaines, il devient de plus en plus difficile d’assurer durablement cette offre de soins. En outre, dans ce nouveau rapport, le KCE observe une nouvelle fois ce qu’il avait déjà constaté dans le passé pour d’autres services hospitaliers : notre pays dispose d’un grand nombre de lits en soins intensifs. La quasi-totalité des hôpitaux aigus (97 sur 99) disposent d’une ou plusieurs unités de soins intensifs, réparties sur 119 sites hospitaliers (chiffres 2022). Ces soins morcelés débouchent sur une utilisation inefficiente des moyens, sur des différences de qualité et sur une moins bonne collaboration entre hôpitaux.
La taille des unités de soins intensifs belges est très variable. En 2022, 60% comptaient douze lits agréés ou moins. Ces petites unités coûtent cher par rapport au nombre de journées d’hospitalisation qu’elles accueillent, nécessitent la mobilisation permanente de personnel et de moyens, et peuvent avoir du mal à conserver l’expertise requise. Les unités de soins intensifs sont aussi réparties de manière inégale sur le territoire.
Par ailleurs, on ne dispose pas d’une vue suffisamment claire de ce que sont exactement les soins proposés par nos unités de soins intensifs. Certaines assurent surtout des soins complexes (comme par exemple l’ECMO, une technique utilisée en cas de défaillance cardiaque ou respiratoire sévère) tandis que d’autres sont moins spécialisées (et assurent par exemple un monitoring de courte durée après une opération majeure)… mais dans les faits, à l’heure actuelle, elles sont toutes habilitées à proposer n’importe quelle forme de soins intensifs. Au cours de la pandémie du COVID-19, il est également apparu à quel point il est difficile de bien collaborer en l’absence d’accords clairs ou d’une vue d’ensemble de la capacité disponible.
Un système à deux niveaux
Le KCE plaide donc en faveur d’une réforme approfondie débouchant sur une organisation des soins intensifs en deux niveaux – un niveau général et un niveau spécialisé, avec chacun des critères d’agrément explicites. Ces deux niveaux doivent passer des accords entre eux pour organiser la collaboration et le transfert des patients. Le personnel, l’infrastructure et les autres moyens disponibles pourront ainsi être mieux alignés sur la demande de soins, et les patients pourront plus rapidement être dirigés vers l’unité adaptée à leur situation.
Des unités de soins intermédiaires (entre les soins « généraux » et les soins intensifs) peuvent contribuer à ce que les patients soient traités au bon endroit, et à une utilisation plus efficiente du personnel et des autres ressources.
Dans la pratique, les prestataires de soins belges opèrent déjà souvent spontanément cette distinction, mais sans cadre formel. De ce fait, la différence entre ces niveaux informels n’est pas vraiment claire, ce qui peut être une source de confusion, de variabilité dans les soins et d’un manque d’accords univoques ou d’orientation.
Une répartition en différents niveaux existe aussi déjà dans un grand nombre d’autres pays européens.
Un minimum de 12 lits
Le Conseil d’Administration du KCE plaide pour assurer une échelle suffisante, en imposant un minimum de 12 lits par unité. Ces lits doivent aussi être rapidement mobilisables en cas d’imprévu tel qu’une pandémie, une catastrophe ou une augmentation soudaine de la demande de soins. Cette réforme doit se doubler d’un plan de transition, afin de permettre aux hôpitaux de s’y préparer.
Tout ceci s’inscrit dans le cadre d’une refonte plus large du paysage hospitalier, qui est actuellement en préparation.
Un financement qui prend en compte la complexité des soins
Mais cela ne suffit pas. Le financement des soins intensifs est actuellement très complexe, et ne tient pas suffisamment compte de la lourdeur ou de la complexité de ces soins.
C’est la raison pour laquelle le KCE propose d’évoluer vers un système où les hôpitaux seraient rémunérés par admission et recevraient des moyens supplémentaires pour les soins intensifs, à condition que ceux-ci répondent à certains critères de qualité. Ceci permettrait aussi d’éviter d’encourager des soins inutiles.
Des données fiables aussi sont essentielles
Le rapport insiste par ailleurs sur l’importance d’une base de données nationale unique. À l’heure actuelle, il est difficile d’obtenir rapidement un aperçu du nombre de lits occupés ou non, de la gravité de l’état des patients ou du personnel disponible. Un système d’information centralisé permet une meilleure prise de décision, aussi bien dans la gestion quotidienne que lors de grandes crises de santé.
Un volet d’une réforme hospitalière plus large
Par ailleurs, des soins intensifs à l’épreuve du futur doivent forcément s’inscrire dans le cadre d’une réforme hospitalière plus large. Des rapports récents du KCE, comme le dernier rapport performance ou l’étude sur la dotation infirmière, insistent sur l’importance d’une approche réfléchie, mettant la sécurité des patients et une organisation des soins durable au centre des préoccupations.